The Learned Pig

Art – Thinking – Nature – Writing

Sur toute la ligne

 

As walking, talking and gesticulating creatures,
human beings generate lines wherever they go.

– Tim Ingold, Lines: A Brief History (2007)

 
 

Sur toute la ligne

All along the line

Et Kamil Bouzoubaa-Grivel en trace de toutes sortes, ce pourquoi on l’inscrit, très spontanément, dans la longue histoire des faiseurs de lignes, depuis les origines, entre les tracés pariétaux et le défi en virtuosité et finesse où s’affrontèrent Zeuxis et Protogène, de William Hogarth et sa théorie de la « Ligne de Beauté » jusqu’aux griffonneurs les plus invétérés voire compulsifs, en passant par Marcel Duchamp et ses Stoppages étalon. Mais s’il est, tout comme eux, à la recherche d’une forme d’évidence du geste autant que de l’articulation graphique d’une pensée, il le fait avec une gamme de moyens considérablement étendue par les techniques, outils et usages d’aujourd’hui, avec aussi un délicat équilibre de précision et d’humour que nourrissent nombre de références ou allusions.

Comme en une suite de ricochets, les oeuvres se prolongent l’une dans l’autre et s’entraînent, de proche en proche, employant tantôt les courbures parfaites et extensibles à l’infini du dessin vectoriel, sur lesquelles l’oeil glisse à toute vitesse, comme l’air sur les carrosseries qu’il sert à concevoir, tantôt les lignes au plus fin de ce que l’on peut tracer numériquement, lesquelles conduisent l’observateur au seuil du visible. De fil en aiguille, des coutures sinueuses piquées à la machine industrielle forment des vagues, des pièces semblables à des fumées ou des nuages prêts à porter, tandis que jour après jour, il dessine au téléphone, littéralement : du doigt parcourant l’écran tactile de cet outil de communication devenu calepin toujours à portée de main, naissent des gribouillis fort réussis. Tant et si bien que ces scribbles, à force de répétition, échappant pour un temps au désoeuvrement, pourraient même établir un langage, de nature idéogrammatique à coup sûr : la ligne est signe, à une lettre près, et l’on dessine comme on écrit, dans cette tension entre image, son et mot que contient tout graphisme. La ligne aussi est mélodique, elle claque, fuse et résonne comme dans les cases si dynamiques, parfois allègres de Yuichi Yokoyama ; elle est répétitive comme dans certains types de musique ou certains dispositifs mécaniques, vibrante et pourquoi pas vivante.

Métaphore de la pensée, elle entraîne l’oeil dans sa fuite, comme elle le retient dans ses grilles et le pousse dans ses retranchements à force d’indétermination ou de saturation, de circulation entre les dimensions et les échelles. Ses arrêts – points à la ligne – ne sont jamais que momentanés : en attente du prochain retour (chariot), du prochain pli (du papier), de la prochaine spire (de film plastique), du prochain zigouigoui (de fil à imprimante 3D), de la prochaine boucle (logique ou temporelle), jusqu’à la prochaine pression du doigt ou de tout autre traceur, jusqu’à la phrase ou la pirouette suivante.

 

Guitemie Maldonado

Kamil Bouzoubaa-Grivel traces lines of all kinds, for which we can spontaneously add him to the long history of line-makers, from the beginning of time; amongst cave paintings, Zeuxis and Protogenes’ competition over virtuosity and finesse, William Hogarth and his « Line of Beauty » theory, to the most stubborn or even compulsive scribblers and through to Marcel Duchamp and his Stoppages étalon. Although he might be – as they were themselves – in search of the plainest gesture, he involves a considerably large variety of means, techniques, tools and contemporary practices, as well as a delicate balance of precision and humour, fed by numerous references and allusions.

In a ricochet fashion, the works prolong and gradually induce one another, adopting, at times, the perfect and infinitely scalable curves of vectorial drawing, upon which the eye glides swiftly, like air on the car bodywork it helps design. At others, lines, as thin as digitally possible, take the observer to the threshold of visibility. Stitch by stitch, waves, smoke-like items or readyto- wear clouds are forming out of meandering seams sewn with an industrial machine. Whilst day after day, he – literally – draws on his phone: his fingers slide across the touch screen of this communication device turned notebook, always kept within arm’s reach, bringing successfully mastered scribbles to life. So much so that those scribbles, weaseling out of idleness for a while when repeated over and over again, could compose a language of an undeniably ideogrammatic nature. The line is a sign, or just two letters away from it, we’re drawing like we’re writing anyway, in this tension between the image, the sound and the word that is embodied within any graphic inscription. The line also is melodic, it snaps, flies and resonates like it does in Yuichi Yokoyama’s dynamic and even playful comic strip panels; it is repetitive just like certain types of music or mechanical devices, vibrant and, why not, alive.

As a metaphor for thinking, it drags the eye along in its flight, grounds it in architecture, and pushes it to its limits through forceful indetermination, saturation, or circulation across dimensions and scales. When it stops – period. Line break – it always is only temporary: awaiting for the next (carriage) return, the next crease (of paper), the next roll (of plastic film), the next squiggle (of wire or 3D printed plastic), the next loop (logical or temporal), the next touch of a finger or of any other tracing device, until comes the next sentence or the next pirouette.

 

Translated into English by Julia Pecheur

 
 

 
 

 
 

All images: Kamil Bouzoubaa-Grivel, Untitled, alcohol-based ink on laminated paper, 65 x 50 cm.
Photographs: Romain Darnaud

kamilbouzoubaagrivel.com

instagram.com/kamilbouzoubaagrivel

 
 

This is part of RHYTHM, a section of The Learned Pig devoted to exploring rhythm as individual and collective, as poetic and biological, and the ways that rhythm dictates life. RHYTHM is conceived and edited by Rachel Goldblatt.